jeudi 26 juillet 2012
Carmel de Boussu
CARMEL
DE BOUSSU
Contact
Rue Adolphe Mahieu,89
7300 Boussu
Tel. 065.78.59.87
E-mail :
boussu.carmel@gmail.com
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Présentation
Notre communauté est composée de Sœurs vietnamiennes venant
d'horizons divers.
Comment sommes-nous arrivées en Belgique ? Vous le
découvrirez en lisant notre histoire.
Au cœur de nos épreuves, l'accueil qui nous a été réservé
ici nous a beaucoup réconfortées.
Dès notre arrivée, une délégation composée de prêtres
vietnamiens et de jeunes étudiants est venue nous témoigner leur sympathie et
leur amitié. Depuis, nous recevons régulièrement des « visites vietnamiennes »,
tant de prêtres et religieux que de laïcs qui avouent retrouver chez nous une
atmosphère de familial et l’air du pays natal qu'ils ont perdu. Ils viennent
aussi partager, avec nous, leurs soucis, leurs problèmes. Il faut dire que le
carmel de Boussu est l'unique carmel vietnamien en Europe. A chaque fête
annuelle de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, il y a plus ou moins 200
Vietnamiens venant de toute l’Europe, particulièrement de Belgique, de France,
d'Allemagne et des Pays-Bas. Ils effectuent leur « jour de pèlerinage de sainte
Thérèse de l'Enfant Jésus ». Les prêtres, les sœurs et les aumôniers de chaque
communauté se partagent des conférences et confessions. Une concélébration
eucharistique et une bénédiction des Roses concluent ce rassemblement dans une
joie spirituelle et fraternelle.
Nous recevons aussi la visite de nos amis belges de Boussu et des communes voisines.
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Comment voyons-nous
l'avenir ?
Plusieurs jeunes très motivées nous ont déjà rejointes.
Nous avons reçu du renfort de plusieurs jeunes carmélites vietnamiennes. Ainsi,
notre communauté est bien vivante grâce à Dieu.
Tout a commencé avec le Carmel de Phnom Penh (1919 à 1975), ses 56 ans d’existence avec ses joies et ses souffrances. Cela sans compter le Carmel de Boussu avec ses péripéties durant ses 68 années 1907 à 1975). Finalement, l'exode de 1975 du Carmel de Phnom Penh nous a conduit vers la Belgique. A travers ces épreuves, Dieu nous a guidées vers la « traversée de la Mer Rouge à pieds secs », nous aidant à vivre toujours davantage dans le parfait abandon à la divine Providence. Aussi, nous avons la ferme confiance que le carmel de Boussu continuera, avec l'aide du Seigneur, à tenir bien haut le flambeau de la vie de prière et de contemplation.
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Historique
1890 :
Vers 1890, un jeune vicaire de Boussu, l'abbé Cracco, désirait vivement la fondation d'un Carmel au Borinage. La sœur de sa gouvernante étant carmélite à Beauvais (France). C'est par cette entremise que le projet pourra prendre forme.
1903 :
En 1903, à Boussu, un bâtiment – une sucrerie désaffectée- s'avère convenir à l'hébergement d'une communauté contemplative. Le carmel de Beauvais envoie une délégation pour la reconnaissance des lieux et le projet est accepté. Mais il faudra encore attendre quatre ans avant qu’il ne se réalise.
1907 :
Un premier essaim de carmélites arrive à Boussu. Elles proviennent de France et d'Italie. Une sœur de Rochefort les rejoint.
Le 26 avril, le Carmel est fondé sous le patronage des Saints Cœurs de
Jésus et de Marie.
La fondation se développe : les entrées se succèdent et les bienfaiteurs
aident généreusement ce nouveau colombier de la Vierge.
MADAGASCAR : 1921
En 1921, Mère Marie de
Jésus parvient à réaliser son vœu missionnaire.
Mise en relation avec Monseigneur Dantin, évêque de Madagascar, qui désirait un Carmel dans la grande île, elle se propose de partir avec un noviciat florissant. Les supérieures belges n'acceptent ce départ qu'à condition de trouver deux ou trois carmélites en remplacement des partantes, car il ne resterait que sept religieuses à Boussu. Mère Marie de Jésus fait appel à Pontoise qui envoie du renfort.
Le 19 mars 1921 a lieu
le grand départ. Ce même jour, les sœurs de Pontoise viennent combler les
places vides.
Les vocations ne vont pas tarder. Durant quelques années, la communauté va trouver une seconde jeunesse.
SAINT-QUENTIN : 1938
En 1938, Les Mères de Pontoise
projettent de retourner en leur monastère, mais entre-temps elles apprennent
qu'un carmel est désiré à Saint-Quentin. La chose est étudiée avec les
supérieurs qui, eux, désirent toujours garder un Carmel à Boussu. Bref, le 7
février 1938, les sœurs sont amenées à opter chacune pour Boussu ou
Saint-Quentin. Sept carmélites sur les vingt préfèrent rester à Boussu.
UN NOUVEL AVENIR.
Le carmel de Boussu poursuit sa route, mais connaît des heures difficiles : manque de vocation et âge avancé des Carmélites restantes. C’est ici que se situe le bel épisode de l'arrivée des sœurs vietnamiennes : le carmel de Boussu vivra.
1975 :
Le 21 avril 1975, une
communauté de carmélites vietnamiennes atterrit à Bruxelles. C'est une page
entière de leur vie qui est tournée. Leur patrie est mise à feu et à sang : il
a fallu fuir, laisser tout derrière elles. Partir de Phnom Penh pour arriver en
Thaïlande. Fuir encore ! Où aller ? Elles pensent à la Belgique, car il
existe déjà des liens qui les unissent à ce pays. L'ex-prieure de Phnom Penh,
Mère Gertrude, est belge ainsi qu'une autre sœur revenue, depuis peu, en Belgique pour raison de santé. Celle-ci se trouve
à ce moment au Carmel de Boussu.
Le Carmel de Boussu vit
aussi une période difficile. La communauté est fervente, mais les sœurs sont
âgées et les forces vives viennent à manquer. Les sœurs, lucides, réfléchissent
à leur avenir. C'est alors que surgit l'imprévu de Dieu : la Belgique a
reçu un S.O.S. des Sœurs
vietnamiennes. Sœur Marie de la Trinité, prieure et ses Sœurs sont prêtes à les
accueillir
En effet, le 12 avril, lors d’une rencontre mémorable, le
Père Antoine Marijse, assistant de la Fédération Belgique-Sud, informe la
communauté de la détresse des Sœurs vietnamiennes. N'est-ce pas le moment de
quitter Boussu et de laisser place à la communauté exilée ?
Unanimes, les sœurs répondent oui, prêtes à partir : elles
savent que ce sera dur, mais leur amour fraternel leur permettra d’assumer la
dispersion. Dieu est avec elles, quoiqu'il arrive.
Elles ont, de bon cœur, laissé aux Sœurs du Vietnam un
carmel bien en ordre et parfaitement équipé, n'emportant que le strict nécessaire
personnel.
Les démarches sont entreprises : 9 jours après, les Sœurs
vietnamiennes débarquent en Belgique.
Elles sont hébergées chez les Sœurs franciscaines de Lennik, tandis que les carmélites de Boussu quittent progressivement leur monastère.
Le 17
mai 1975 : La communauté entière,
Carmélites vietnamiennes, venue du Cambodge peut occuper le carmel de Boussu,
chaleureusement accueillie par la population, qui depuis ne cesse de la
soutenir de toutes les manières.
Cet exil des deux communautés fut rude, mais il portera du fruit : le carmel de Boussu va refleurir.
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Le carmel de Boussu aujourd'hui
Vous vous posez sans doute des questions sur notre adaptation en Belgique, sur l'histoire de notre carmel au Cambodge et sur la vie de notre carmel aujourd'hui. Nous tâcherons d'y répondre simplement.
1. Comment se fait-il qu'en plein Cambodge, à Phnom Penh, se soit constituée une communauté vietnamienne ?
Le Vietnam, le Cambodge et le Laos groupés sous le nom de
l’Indochine française, furent des colonies françaises de 1887 à 1954.
Pendant la colonisation, certains villages catholiques
vietnamiens du sud-ouest du Vietnam rencontrèrent des difficultés car la force
anticolonialiste vietnamienne les considérèrent comme profrançais. Pour les
protéger, les missionnaires français les déplantèrent du Vietnam et les
implantèrent sur le territoire cambodgien avec l’accord du Royaume cambodgien
et sous protection française. De là furent nées les différentes paroisses
vietnamiennes avec les curés français comme Paroisse Xóm Biên (Carmel),
Paroisse Russey Keo, Paroisse Câu Rach Luông, Paroisse Cây Sô Sau … Voilà pourquoi les couvents, séminaires,
communautés catholiques vietnamiens existèrent au Cambodge.
2. Pourquoi une communauté exclusivement vietnamienne, sans aucun sujet cambodgien ?
La chrétienté cambodgienne est une très petite minorité, 5.000 sur un effectif de 7.000.000 d'habitants, tandis qu'on comptait plus de 60.000 catholiques vietnamiens résidant au Cambodge. Les chroniques notent cinq entrées cambodgiennes, mais aucune n'a persévéré. L'idéal carmélitain est exigeant.
3. De quand date notre carmel ?
Le Carmel de Phnom Penh fut fondé en 1919, à la demande de
Mgr Bouchut, vicaire apostolique du diocèse de Phnom Penh, par la Mère Anne de
Jésus, de Saint-Brieuc, originaire du Carmel de Saïgon.
Les deux cofondatrices, Sœur Marie de Jésus et Sœur Marie-Ange, vietnamiennes, furent membres du conseil depuis la fondation. Aux élections de 1974, la jeunesse prit la relève et Mère Marie-Baptiste, vietnamienne fut élue Prieure.
4. Comment s’est fait le recrutement ?
Dès les premières visites de la fondatrice sur les lieux où le carmel de Phnom Penh serait bâti, plusieurs jeunes filles de la paroisse s'étaient présentées pour y être admises ; puis il y eut régulièrement des entrées. Il y eut aussi des sorties, mais la communauté s'est toujours maintenue en nombre suffisant.
5. Y eut-il des apports de l’étranger ?
Le carmel de Phnom Penh, comme toute fondation dans ses débuts, eut besoin de carmélites aptes à la gouvernance du monastère en attendant que les sujets du pays soient formés et capables à leur tour de prendre le gouvernail. Aussi, à la demande de la mère Prieure en charge, ce renfort nous fut envoyé de différents carmels de France et de Belgique. Après un temps plus ou moins long d'aide fraternelle, la plupart de ces carmélites sont rentrées dans leur carmel d'origine.
6. Avons-nous essaimé ?
Oui, par deux fois. En 1925 Mère Anne de Jésus est allée fonder un Carmel en Thaïlande, pays limitrophe du Cambodge ; puis en 1936, avec Mère Marie-Michel, un deuxième foyer carmélitain s'est formé à Yunanfou, en Chine, carmel actuellement dissout.
7. Ne nous sentions-nous pas isolées de l'Eglise et de l'Ordre, en Extême-Orient ?
Nullement. Nos évêques présidaient toutes nos fêtes
communautaires : élections, prises d'Habit, Professions, Jubilés, et même nos
fêtes plus personnelles.
Certains supérieurs sollicitaient nos prières lors de leur tournée
pastorale qu'ils allaient entreprendre, puis au retour, venaient nous
entretenir sur des soucis et difficultés rencontrées dans les paroisses.
Tous les Pères de passage à Phnom Penh : Jésuites, Oblats
de Marie-Immaculée, Pères de Prado, Dominicains, Franciscains…tenaient à venir
célébrer une Messe au Carmel ou nous organiser des conférences. Ceci est
d'autant plus méritoire que le Carmel, situé sur l'autre rive du Tonlésap, est
d'un accès difficile faute de pont, et l'embarcation très précaire.
Au niveau de l'Ordre, nous étions en correspondance continue avec le Père Général et quelques Carmels d'Europe. Nous avions aussi régulièrement des visites de Pères carmes.
8. Quel était, à Phnom Penh, le climat de nos relations avec les pouvoirs civils ? Avec la population ?
Le Cambodge jouissait d’une liberté religieuse considérable. Le peuple cambodgien est profondément attaché à sa religion boudhiste, ce qui explique sans doute le pourquoi du nombre si restreint de conversions au catholicisme. Nos prêtres, religieux et religieuses étaient l'objet, de la part de la population en général et du pouvoir civil en particulier, de la même déférence qu'ils témoignaient envers leurs religieux bouddhistes.
9. Comment avons-nous traversé les événements tragiques de 1945 ?
L'année 1945 fut marquée par la lutte acharnée entre les autorités françaises et les Japonais qui voulaient les supplanter. Grâce à la divine Providence, aucun incident regrettable ne s'est produit au carmel, bien que nous ayons connu des heures d'angoisse.
10. Y eut-il un temps de paix pour nous, entre 1945 et 1969 ?
A la différence du Vietnam qui souffrit continuellement de
la guerre, le Cambodge a vécu dans une atmosphère de paix et de liberté
religieuse. Ainsi nous avons toujours pu célébrer nos fêtes liturgiques et
communautaires avec la solennité requise.
11. Qu’est-ce qui a déterminé notre exode en 1975 ?
En 1970, Lon Nol, arrivé au pouvoir en destituant son roi
Norodom Sihanouk, commença à massacrer les vietnamiens vivant au Cambodge, provoquant
un gigantesque exode des vietnamiens. Le Carmel fut préservé jusqu’en 1975,
date de l’arrivée de Pol Pot avec les Khmers Rouges qui massacrèrent des
millions de gens, particulièrement son propre peuple. Le Carmel tenait bon.
Nous devons ce courage à notre évêque, Monseigneur Yves Ramousse, qui ne
manquait aucune occasion de nous exprimer sa sollicitude et son désir de nous
voir tenir sur la brèche, intercédant -comme Moïse sur la montagne- pour le
peuple cambodgien. Dans le courant du mois de mars, notre évêque reçut un
télégramme de son supérieur général : ordre de laisser partir de tous les
membres étrangers du personnel ecclésiastique et religieux, non indispensables
au ministère extérieur. C'est alors qu'à son tour notre évêque nous donna
l'ordre de partir, car disait-il, nous sommes toutes « étrangères ». De plus au
cas où le Carmel serait fermé et dispersé, aucune famille cambodgienne n’oserait
héberger n’importe qui d’entre nous. Que deviendraient nos sœurs âgées,
infirmes, jetées dans un milieu tout à fait étranger et si différent de celui
qu'elles ont connu pendant de longues années ? Jusqu'ici, ajouta-t-il,
vous vous montrez fidèles et courageuses en acceptant de vivre les joies et les
inquiétudes de l'Eglise au Cambodge. Sachez que ce n'est pas vous qui demandez
à partir, mais c'est moi qui vous envoie comme missionnaires dans les lieux qui
vous accueilleront, tout en portant l'Eglise du Cambodge dans toute votre vie
de carmélites.
Quelques mots sur l’historique de ce Carmel de Phnom Penh,
pour mieux situer l'événement de 1975.
Le Carmel Xóm Biên (Phnom Penh) est fondé en 1919 par le
Carmel de Saïgon du Vietnam, cette Communauté du Cambodge a, à son tour, fondé
en 1925 le Carmel de Bangkok en Thaïlande et en 1936 celui de Kunming en Chine,
dispersé ensuite par la persécution communiste.
L'année 1945 est marquée par les événements tragiques de
sang et de deuil, causés par la lutte acharnée entre les autorités françaises,
qui avaient alors la mainmise sur toute l'Indochine et les Japonais qui
voulaient les supplanter sur tout le territoire. Cependant, la vraie menace
pour la survie de nos Sœurs à Phnom Penh n'est venue que 25 ans plus tard.
En effet, ce fut dans la nuit du Nouvel An khmer, mars
1970, que débuta le régime de terreur engendré par Lon Nol, premier ministre du
roi Sihanouk destitué, nuit où les soldats cambodgiens armés vinrent capturer
les vietnamiens, y compris les garçonnets de 10 à 12 ans. Rien que pour la
paroisse Xom Bien où s‘installait le Carmel, 800 cents chrétiens furent
emmenés, fusillés et jetés dans le fleuve. Leurs cadavres arrivèrent, flottants,
jusqu’aux embouchures du Mékong au Vietnam. Le lendemain matin, après la messe,
nos Sœurs accueillirent et consolèrent les parents en larmes des victimes, qui
racontèrent les massacres de la nuit.
Puis, le 1er janvier 1975, on assiste à une recrudescence
des bruits des canons et des mitrailleuses. Des avions bombardiers vrombissent
sans arrêt au-dessus de leurs têtes, des roquettes pleuvent sur la ville de
Phnom Penh, surtout à l'aéroport Pochentong. Nos Sœurs s'abandonnent avec
confiance à la protection divine et continuent leur vie de prière. Le 30 mars
elles chantent l'Alléluia de Pâques, sans se douter du sacrifice que le
Seigneur va leur demander, car à partir de ce moment les évènements se précipitent,
avec l’arrivée Pol Pot, à la tête des Khmers Rouges. A noter qu’ils ont
massacré un tiers de leur population, un génocide innommable.
Le lundi de Pâques, Monseigneur Yves Ramousse, Evêque et
supérieur des Sœurs, devant la situation de plus en plus alarmante, les invite
à faire leurs préparatifs pour partir vers la fin de la semaine avec le dernier
avion américain, qui se chargeait de les transporter gratuitement à Bangkok.
Dans l'éventualité d'un danger imminent, les Carmélites de Bangkok avaient déjà
proposé, à leurs consœurs, l’asile chez elles.
Le vendredi 4 avril, à 6 heures du matin, c'est la messe
d'adieu des Sœurs avec leur Evêque et quelques Pères bénédictins. Pour les
rassurer, l'Evêque dit dans son homélie : « Ce n'est pas vous qui avez demandé
à partir, c'est moi qui vous envoie à Bangkok. Jusqu'à présent, le Seigneur
vous voulait ici afin de prier pour le Cambodge. Maintenant, Il vous envoie ailleurs pour y
mener la même vie, dans la joie et la pénitence ; toujours pour prier, et
aussi, j'espère pour l'Eglise cambodgienne... »
Une sœur raconte la suite des évènements : « Il est 10
heures. Nos voisins et nos Frères bénédictins nous aident à porter nos bagages,
tandis que nous aidons nos sœurs âgées à descendre la berge du Tonlesap. Dès
notre arrivée à l'aéroport, deux roquettes viennent s'écraser à quelques mètres
de l'endroit où nous nous trouvons, mais sans causer de dégâts, Dieu merci.
Vers 16 heures, l'avion qui doit nous emporter s'avance sur la piste. Une
dernière poignée de mains à notre Evêque et à nos prêtres, et nous courons vers
l'escalier. Le moteur est déjà en marche, il faut faire vite à cause des
roquettes. Avant que nous ayons pu nous asseoir, l'avion avait déjà entamé son
décollage. Deux heures après, l'avion atterrit à l'aéroport de Bangkok, d'où
nous sommes conduites au Carmel qui nous accueille très fraternellement. Mais,
bien vite, arrive la déception : on nous signale que nous n'avons pas le visa
d'entrée en Thailande. Nous ne pourrons demeurer que sept jours sur le
territoire. On nous accorde cependant une prolongation de quinze jours, mais en
mettant sur nos passeports la mention : 'entrée illégitime à Bangkok' ! Nous
envoyons d'urgence une demande d'accueil en Belgique ». Ici se termine le récit
de la Sœur. En effet, quelques jours plus tôt la prieure, Mère Marie-Baptiste,
avait demandé à chacune des Sœurs où elle préférait aller en cas d'émigration.
Toutes avaient opté pour la Belgique, patrie de Mère Gertrude (professe du
Carmel de Courtrai), qui fut longtemps leur prieure et maîtresse des novices :
« vraie mère de notre communauté », disent les Sœurs.
Le 17 avril arrive déjà le télégramme de la Mère Présidente
de la Fédération des Carmélites de Belgique-Sud avec l'énoncé suivant :
« Carmélites Phnom Penh réfugiées à Bangkok chaleureusement
accueillies par Fédération Carmélites Belgique. - Carmel de Boussu entièrement
à leur disposition...-Avons donné garanties service des visas. Contacter
urgence Sabena-Bangkok pour réduction promise par Raptim-Bruxelles »
(Sr
Marie-Madeleine, présidente fédérale, Carmel de Mons.)
Le 20 avril, un avion décollait vers 22 heures 30. Après un
long vol d'environ 17 heures « de nuit », nos Sœurs arrivent à l'aéroport de
Zaventem vers 8 heures 30 du matin, heure belge. Elles ont bien raison de
résumer tout par un verset du Psaume 123 :
« Comme un oiseau, nous avons échappé au filet du chasseur.
Béni soit le Seigneur ! »
Entre-temps, dans la Fédération des Carmélites de
Belgique-Sud, on n'est pas resté inactif, vous le devinez. Autant les
circonstances du départ de nos Sœurs du Cambodge ont été déchirantes, voire
cruelles, autant le Seigneur a inspiré à nos Sœurs de Boussu le beau geste à
accomplir.
Le 12 avril, le P. Provincial, assistant de la Fédération
des Carmélites, vient de recevoir une lettre des Carmélites de Phnom Penh, dont
l'ex-prieure, belge, Mère Gertrude, demande asile en Belgique-Sud pour sa
communauté : 18 moniales, 17 Vietnamiennes et elle-même. Se rappelant les
bonnes dispositions de la Communauté de Boussu, exprimées lors des discussions
concernant des regroupements à faire, le Père appelle au téléphone Mère Marie
de la Trinité : « Ma Mère, votre Communauté est-elle toujours disposée à toute
éventualité de dispersion comme elle l'avait assuré ? Calmement, sans même
demander un temps de réflexion, la Mère Prieure répond : « Oui, Père rien n'est
changé ». Une heure plus tard, la Mère Présidente et le Père Provincial
arrivent ensemble au Carmel de Boussu. Je cite Mère Marie-Madeleine : « J'ai
vécu un moment plein de grandeur et de simplicité. D'abord débute un court
exposé du Père sur la situation du Cambodge et celle de nos Sœurs qui demandent
un monastère pour y poursuivre ensemble la vie carmélitaine. Puis, avec une
certaine émotion, le Père posa la question directe et poignante :
'Acceptez-vous de partir, sans rien emporter, laissant votre monastère tel
qu'il est, meublé, équipé, à celles qui fuient leur pays et qui ne possèdent
plus rien ? — Et ce fut, dans un immense esprit surnaturel, le « oui
unanime ». La générosité est contagieuse. Aussitôt connu, le geste de Boussu
déclencha un courant également généreux dans la Fédération. Plusieurs
monastères téléphonaient : « Nous prendrons volontiers une ou plusieurs Sœurs,
quel que soit leur âge ». Et en trois jours, toute la Communauté avait sa
destination.
A Boussu, toutes les Sœurs ont exprimé, sous des formes
différentes, leurs sentiments de conformité et d'abandon à la volonté de Dieu,
manifestée dans l'événement. Elles ont redit leur entier consentement pour se
rendre là où on les accueillerait. En les écoutant, je voyais ce monastère
parfaitement tenu, ce jardin déjà ensemencé, ces haies bien taillées, ces
pelouses tondues, les hortensias déjà verts encadrant le grand crucifix du
préau... tout cet ensemble de paix qu'elles laissent à tout jamais.
Les Carmélites de Boussu partent sans regarder en arrière.
C'est la béatitude des « pauvres » qui n'ayant rien à eux, voient partout le
reflet de Dieu. Mais si elles s'y éloignent, c’est pour passer le flambeau à
d'autres. Au plan communautaire, elles consentent à « mourir pour que d'autres
vivent », mais le Carmel du Borinage ne s'éteint pas.
Quand, le 21 avril 1975, les Sœurs arrivent à Zaventem, le
monastère de Boussu n'est pas encore tout à fait libre pour les
accueillir. Mais elles ont trouvé un
hébergement provisoire chez les Sœurs franciscaines de Lennik-St Quentin. Ces
Sœurs ont été d'une charité admirable pour nos Sœurs qui, épuisées par la
fatigue, les émotions et la sous-alimentation, et éprouvées par le changement
de climat, ont payé, chez elles, leur tribut à la fièvre et à la maladie. Nos Sœurs
de Fataki (au Congo) avaient déjà bénéficié de l'hospitalité sans égale, à
Lennik-St Quentin, lors de leur retour du Zaïre en Belgique. La Fédération des
Carmélites garde une immense dette de reconnaissance à l'égard de ces Sœurs
Hospitalières qui, sans ménager leur peine et sans calcul, se sont mises si
fraternellement au service de la Communauté exilée, de concert avec le Docteur
Couvent qui les visitait chaque jour. Après 3 à 4 semaines de repos à Lennik,
nos Sœurs arrivent à Boussu. « Nous sommes ébahies de voir, écrit une Sœur,
qu'un si beau Carmel, avec toutes ses installations, son mobilier, son grand
jardin bien entretenu, dans un site si calme et propice à la vie contemplative,
serait dorénavant notre Carmel à nous. Nous remercions la divine Providence
d'être parties juste à temps avant la chute de Phnom Penh (le 17 avril 1975) et
ses tristes conséquences ».
Bien sûr, cette joie était mitigée, car le souvenir
douloureux des récents évènements restait vivant, surtout celui des êtres chers
qu'elles venaient de quitter et qui souffraient... Mais l'accueil chaleureux
des Borains, qui ont le cœur sur la main, comme on dit, et de tous les
bienfaiteurs et amis du Carmel les a réconfortées et a facilité leur
intégration dans la région.
Lors de l'Assemblée Fédérale, Mère Marie-Madeleine, à la
fin de son mandat, revint encore sur les faits passés, en disant : « Au nom de
la Fédération, je remercie les Sœurs de Boussu pour l'exemple magnifique de
détachement qu'elles ont donné. La presse a largement loué leur geste et ce n’est
que justice, et même les multiples renoncements cachés. Dieu le sait et ... C'est
bien ainsi. Chacune de nous se rend compte de ce que représente comme peine pour
une communauté en quittant son monastère avec ses souvenirs et son cadre
familier… Et celui de Boussu est particulièrement attachant. Je sais que des
larmes ont coulé au moment des séparations. Déchirements pénibles mais combien méritoires
et rédempteurs”
Puis ce fut Mère Marie-Baptiste, prieure des Carmélites vietnamiennes, qui remerciait au nom de toutes ses consœurs, d'avoir été accueillies si chaleureusement. « Si Sainte Thérèse était reconnaissante pour trois sardines, disait-elle, que doit être notre attitude vis-à-vis de Mère Marie de la Trinité et de toute la Communauté de Boussu !... Il ne se passera pas un jour où notre souvenir priant ne monte vers Dieu pour elles. Puisse la Providence être leur soutien comme Elle a été le nôtre. Quant à la Belgique, notre seconde patrie, nous prenons à cœur de prier pour elle. A mon tour, puis-je demander une prière pour l'Eglise du Cambodge et du Vietnam, et aussi pour tous ceux qui nous sont chers et que nous avons quittés... »
12. Comment avons-nous vécu notre adaptation en Belgique ?
Vous avez lu ci-dessus l’extraordinaire aventure qu'ont
vécu nos Mères et Sœurs du carmel de Boussu en témoignant de leur détachement
et de l'exceptionnelle qualité de leur charité. Dès le premier instant, nous
avons rencontré des cœurs amis et des bras largement ouverts, tant de la part
du clergé et des communautés religieuses que des habitants de Boussu et du
Borinage.
La première année, où nous avons dû affronter un hiver
rigoureux, suivi d'un été caniculaire. Notre santé a été quelque peu ébranlée,
mais lors du deuxième hiver, nous sommes devenues plus solides face au rude
climat.
Plusieurs de nos sœurs parlent le français et nous avons
peu de contacts personnels avec l'extérieur. Le problème de la langue est pour
ainsi dire secondaire. Cependant nos jeunes investissent beaucoup de temps pour
apprendre le français. Nous chantons tous les jours la plus grande partie de
l'Office en français.
L'Eucharistie est aussi célébrée en français.
13. Quel est notre rayonnement ?
Dès notre arrivée, une délégation de prêtres vietnamiens et
des jeunes étudiants, parmi eux un étudiant vietnamien catholique originaire de
la paroisse Russey Keo (Phnom Penh) sont venus nous témoigner leur sympathie et
leur amitié. Depuis, nous recevons régulièrement des « visites vietnamiennes »,
tant de prêtres et religieuses que de laïcs qui avouent retrouver chez nous
l'atmosphère de famille et l'air de pays natal qu'ils ont perdu. Ils viennent
aussi nous confier leurs soucis, leurs problèmes. Il faut dire que le carmel de
Boussu est l'unique carmel vietnamien en Europe. A chaque fête annuelle de
sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, il y a plus ou moins 200 Vietnamiens de
Belgique, de France, d'Allemagne et de Hollande qui effectuent le « Pèlerinage
de Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus ». Les prêtres et les sœurs, les aumôniers
de chaque communauté, se partagent des conférences et confessions. Une
concélébration Eucharistique et une bénédiction des Roses conclut ce
rassemblement dans une joie spirituelle et fraternelle.
Nous recevons aussi les visites d'amis Belges de Boussu et des communes voisines.
14. Comment voyons-nous l'avenir ?
Après de longues années d’épreuves, le Carmel continue à
exister sous le regard bienveillant de Dieu. Quelques jeunes très motivées nous
ont déjà rejointes. Nous avons aussi reçu du renfort des jeunes Carmélites
vietnamiennes de tout horizon. Notre communauté est bien vivante grâce à Dieu.
Aujourd’hui, en reconnaissance de ce noble geste de nos Sœurs
belges, nous reprenons le flambeau et implorons les grâces du Seigneur,
particulièrement pour que le Borinage continue à vivre dans la main protectrice
de Dieu, notre Père.
“ C’est la Providence du Bon Dieu qui nous conduit,
rien ne nous manquera.”
Horaire liturgique
Eucharistie :
Dimanche : 8h
Lundi, mardi, jeudi, vendredi, samedi : 8h30
Mercredi : 15h
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Première
profession de Sr. Catherine de Jésus
Tout est grâce ! (Sainte Thérèse de
l’Enfant-Jésus)
Pour le jour de ma première profession, j’ai
désiré qu’il soit une journée bien ensoleillée. Mais la veille et l’aube de ce
jour-là (l’Assomption de la Vierge Marie), il y avait des nuages, des foudres
et puis des pluies. Sans me désespérer, je faisais confiance en Celui qui
m’aime. En effet, quelques heures plus tard, le soleil commence à briller.
Alors, je Lui rendais grâce. Et j’ai passé une journée très heureuse avec mes
sœurs dans la communauté et ma famille. C’est un beau jour pour commencer cette
nouvelle étape, et pour approfondir de plus en plus cette vie monastique selon
notre charisme.
La météorologie de ce jour-là est semblable à la
vie de consacrée. Puisqu’il y a des temps nuageux et des temps sereins, de la
pluie et du soleil… Il en est de même dans la vie spirituelle, il y a des jours
où je suis dans la paix, la joie et la consolation… mais il y a aussi des jours
de sècheresse, de combats et de larmes… Pourtant je compte sur Celui qui me
rend forte. J’espère que tout passe et je crois en Celui qui m’aime toujours.
Je tâche de faire mon possible pour Lui faire plaisir.
De tout cœur, je vous remercie de vos prières à
l’occasion de mes Vœux. S’il vous plaît, continuez à prier pour moi, afin que
je sois fidèle jusqu’au bout.
Que le Seigneur vous entoure de sa protection et
de son amour.
Que Notre Dame du Mont Carmel vous prenne sous son
manteau.
En communion fraternelle.
Sœur Catherine de Jésus, ocd.
Samedi
3 octobre 2020
Profession
solennelle de
Sr.
Catherine de Jésus
et
Sr. Marie de la Miséricorde Divine
JUBILE DE 50 ANS AU CARMEL DE BOUSSU